Comment les politiques d’innovation des universités et d'Inria s'articulent-elles ?
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Mis à jour le 17/06/2025
François Cuny, directeur général délégué à l’innovation d’Inria : Depuis 2019, Inria déploie une stratégie d’innovation fondée sur l’impact, structurée autour de quatre axes majeurs : la création de partenariats stratégiques avec les entreprises françaises, le soutien à l’émergence de startups deeptech issues ou adossées à la recherche publique, la diffusion de logiciels et d’infrastructures technologiques, ainsi que le transfert de compétences dans les grands domaines du numérique.
Cette stratégie s’ancre sur le plan territorial dans le renforcement de nos partenariats avec les universités, à travers les Centres Inria de l’Université, car les universités sont au cœur des écosystèmes territoriaux de l’innovation.
Verbatim
Dans le cadre du COMP 2024-2028, Inria va renforcer cette dynamique. Nous allons mettre l’accent sur l’ouverture aux universités partenaires, la cohérence entre nos actions de transfert et notre rôle d’agence de programmes, ainsi que sur une montée en puissance professionnelle de nos dispositifs.
Cette stratégie s’incarne particulièrement à travers l’engagement d’Inria dans les Pôles universitaires d’innovation (PUI), véritables leviers pour renforcer l’innovation locale. Présent dès leur lancement dans 15 des 29 PUI, Inria y partage ses dispositifs d’innovation – entrepreneuriat, partenariats industriels, développement technologique, formation continue – avec les établissements partenaires. Inria prévoit d’étendre progressivement cette présence à l’ensemble des PUI où le numérique est important.
Cette stratégie se déploie également à l’échelle nationale, au sein des comités stratégiques de filière (CSF), où Inria représente la recherche publique dans les CSF « Infrastructures numériques » et « Industries de sécurité ». Plus récemment Inria a contribué, en tant qu’Agence de programmes dans le numérique, au montage du CSF « Logiciels et Solutions Numériques de Confiance » réunissant les principaux industriels français travaillant dans les domaines cœur d’activité de l’institut : cloud, intelligence artificielle, technologies quantiques, technologies immersives et logiciel. Le Président du CSF, Michel Paulin, est également membre du Conseil d’administration d’Inria. Depuis le lancement du CSF, Inria contribue activement à ses actions, en particulier dans le bureau et dans les groupes de travail sur l’innovation.
Sophie Pellat, co-directrice d’Inria Startup Studio : Inria Startup Studio (ISS) , héritier des dispositifs antérieurs d’Inria depuis 30 ans, a été créé en septembre 2019 pour passer à l’échelle et soutenir les scientifiques du numérique souhaitant devenir entrepreneurs, qu’elles ou ils soient expérimentés ou jeunes docteurs.
Cette approche, basée sur le transfert par l’entrepreneuriat technologique, est différente des approches basées sur le transfert d’actifs et provient des spécificités du numérique : la PI antérieure est fragile (peu de brevets, un code qui se recode) voire inexistante (c’est le savoir et l’approche qui comptent), la barrière à l’entrée se construit autour du produit et ne mobilise pas nécessairement le code antérieur, rentrer dans une démarche marketing, au sens de la compréhension du marché, est impératif pour identifier le produit à proposer en fonction d’un véritable besoin marché, et surtout la capacité à évoluer et à construire. Pour autant, rien n’est possible sans l’engagement total de ceux qui maîtrisent la technologie et peuvent la faire évoluer.
ISS propose donc un programme de soutien à ces scientifiques entrepreneurs : financement sur un an pour une ou deux personnes, ouverture à la culture entrepreneuriale, ouverture vers les écosystèmes et les rencontres d’associés et de membres de conseils d’administration de startups, mise en contact avec les investisseurs français, construction d’une communauté nationale et mise en visibilité des projets par les événements locaux et nationaux du Studio, surtout accompagnement au sein d’ISS par des personnes dédiées et expérimentées.
Verbatim
Le rôle d’ISS au sein du PUI est de proposer, pour les projets intensifs en logiciel, dans tous les domaines (santé, sport, sécurité, …) un dispositif complémentaire aux dispositifs existants et qui s’adresse aux scientifiques souhaitant devenir entrepreneurs au-delà d’une simple participation à une création d’entreprise en complément de leur activité de recherche.
Depuis son lancement, ISS est positionné comme ouvert à toute la recherche publique et donc en premier lieu à nos universités partenaires.
En 5 ans, une vraie dynamique s’est installée : plus de 700 projets ont été regardés, plus de 160 ont été accompagnés avec un taux de création de startups pour les projets terminés de 45%. Et quand on regarde les lauréats du Concours i-PhD qu’opère BPIFrance pour distinguer de beaux projets issus de la recherche publique, depuis 2020, Inria est la première structure accompagnatrice, de loin, avec un projet sur 8 ! Si on zoome sur le numérique, 45% des projets lauréats ont été accompagnés par Inria Startup Studio.
Ce succès est collectif : c’est celui de nos écosystèmes et aussi celui de nos universités partenaires.
Régis Bordet, président de l’Université de Lille : Nous ne partions pas de zéro en construisant le PUI : l’Université de Lille est labellisée Initiative d’Excellence depuis 2017. À ce titre, une politique de valorisation était déjà en place, avec des chaires industrielles, des laboratoires communs, des thèses CIFRE, en lien avec l’ensemble de l’écosystème lillois (les organismes de recherche, le CHU de Lille, l’Institut Pasteur, l’École Centrale de Lille, IMT Nord-Europe). Nous avions donc déjà l’habitude de travailler ensemble, notamment dans le cadre du comité de pilotage de l’Initiative d’Excellence : tout le monde parle la même langue, se voit et collabore régulièrement.
Un exemple concret est l’intégration du CHU de Lille dans le PUI. Ceci est très important pour le numérique en santé puisqu’Inria, le CHU de Lille et les universités ont pu se doter d’une stratégie commune, permettant de favoriser la recherche appliquée et aussi d’envisager très vite la création de startups. C’est là où Inria startup studio joue un rôle clé, puisqu’il permet aux porteurs de projets de confronter leurs idées, approfondir leurs réflexions, ou encore bénéficier d’une méthodologie.
Verbatim
Le PUI est donc une caisse de résonance de ce qui existait déjà, mais aussi une amplification. Ce que nous faisions à bas bruit prend désormais plus de visibilité, de cohérence, avec des moyens accrus pour mieux valoriser nos actions.
Cela donne plus de lisibilité à nos capacités d’innovation, y compris vis-à-vis de l’écosystème entrepreneurial, et nous permet de sortir des logiques de duplication, de mettre les dispositifs en continuité, au service d’une valorisation efficace de la recherche, et au bénéfice du tissu socio-économique.
Il joue aussi un rôle clé dans la réindustrialisation régionale. Accueillir de grandes entreprises ne suffit pas : il faut aussi un tissu de PME et un écosystème numérique fort, irrigué par les universités de proximité. C’est tout le sens de notre travail à l’échelle régionale, avec les autres universités, pour animer cet écosystème. Il y a de la place pour tout le monde.
À terme, l’intégration de la SATT dans les PUI représente un jalon crucial. Bien que cela pose des défis organisationnels, c’est une opportunité d’installer définitivement les PUI dans le paysage de l’enseignement supérieur de la recherche français. À condition qu’un soutien de long terme soit garanti. Il faut créer un partenariat en profondeur entre le monde de la recherche et de l’entrepreneuriat. Et cela ne se construit pas sur cinq ans.